Le site du racou : Son histoire

Il était une fois le Racou

El RACó

 Au sud d’Argelès-Plage, au nord de Collioure, entre mer et montagne, le littoral  forme une anse où se niche le hameau du Racou. 

Le Racou , «el Racó », signifie le recoin en catalan. Situé à la charnière entre la côte sableuse au nord, la côte rocheuse au sud et l’arrivée des Pyrénées dans la mer par le massif des Albères, c’est un des lieux les plus typiques du littoral catalan. Les premières mentions du Racou (« Racho » dans les textes officiels) remontent au XVIème siècle. Le lieu est avant tout connu pour son abreuvoir idéalement situé sur le chemin menant à Collioure.

1910

L’urbanisation de la plage débute vers 1910.  A cette époque, on trouve quelques cabanons en bois construits sur le relief dunaire, des cabanes de pêcheurs en roseau et de rares promeneurs en habits du dimanche. La notion de  tourisme est inexistante .

Les années 30

Les premières maisons « en dur » apparaissent dans les années 30 . Le sud du Racou comporte alors, en front de mer, une à deux lignes supplémentaires de maisons. La mairie d’Argelès y loue des parcelles qui seront mises en vente après la guerre. Les Racouniens se débrouillent avec les moyens du bord : barbecues, lampes à pétrole et eau saumâtre obtenue en sondant le sol à 2-3m de profondeur permettent de cuisiner.

Fin des années 40

Croisillons en fer, pyramides en béton immergées… les stigmates du conflit mondial récemment achevé sont peu visibles sur les anciennes cartes postales mais bien réels. L’armée allemande, craignant un débarquement sur la côte catalane avait installé une batterie sur la colline du Racou et rasé, en 1943, la première  rangée de maisons en bois pour se chauffer et améliorer la surveillance de la côte par les guetteurs . C’est aussi l’époque de la construction des fameuses pyramides en béton, anti-débarquement, sur la plage et de la destruction de la « Torre d’en Sorra », ancien moulin à farine, dynamitée par les Allemands le jour du débarquement en Normandie le 6 juin 1944 et chantée par Jordi Barre.

Après la seconde guerre mondiale

Le hameau du Racou se développe après la seconde guerre mondiale. Des parcelles et des maisons sont vendues  par la commune. Quelques constructions commencent à s’élever du côté droit de la rue principale en cul-de- sac à la place des vignes à partir de 1948 et une opération de lotissement approuvée par le Préfet des Pyrénées-Orientales est lancée en 1955. L’électricité arrive en 1956, l’eau en 1957 et les égouts en 1958. 

Plus qu’un simple quartier d’Argelès, ce lieu est presque un village à part entière qui a su garder son ambiance familiale sans barre d’immeubles dénaturant le littoral. Les maisonnettes blanches forment d’étroites ruelles de sable ombragées au travers desquelles flotte une atmosphère délicieusement rétro. Il y fait bon se baigner ou se promener le long des rochers pour y découvrir de minuscules criques sauvages. A même les rues de sable, des barbecues improvisés permettent aux voisins de se rencontrer en préparant cargolades, grillades ou poissons pêchés du jour et en buvant un  « cop de vi blanc ».

14 juillet 1957

Le jour de la fête nationale, les Racouniens se sentant abandonnés par la municipalité argelésienne, proclament l’indépendance du hameau avec la « Commune libre du Racou » qui eut pour « maire » M. Astruc adjoint à la mairie d’Argelès. Sa devise était : 

 « La grandeur d’un pays ne se mesure pas à l’étendue de son territoire « 

14 juillet 1957

DES années plus tard

Six années plus tard, un putsch « pour rire » mettra fin à l’aventure. Cette action d’éclat, qui n’a jamais eu de valeur légale, permettra au Racou d’asseoir durablement ses particularités culturelles. Elle déboucha sur quelques réalisations dont l’attribution de noms catalans aux rues : Passatge del Sept i mig, Avinguda de la torre d’en Sorra, Passeig dels Franquets, Carrer lo pardal, Carrer de la Cargolade…1.

Les congés payés amènent leur lot de touristes, de nouveaux propriétaires et quelques commerces. Les constructions se multiplient au niveau du village de sable et quelques familles y vivent en permanence. Par contre, rares sont les constructions de l’autre côté de la rue principale.

A cette époque, durant les mois d’été, alternant avec le cinéma ambulant, Georges Barre chante Bécaud, Barrière, Ferrat à « la Caravelle » qui était une sorte « d’auberge espagnole » ….. Un jour,  il devint Jordi et choisit de chanter en catalan ce qui coïncida avec une « prise de conscience catalane » qu’il accompagna durant trente ans. « Vivre, travailler et chanter au pays », pourrait être la devise de Jordi Barre. Charles Trenet y avait également ses habitudes et venait régulièrement s’y baigner.

Malgré l’explosion du tourisme, le village n’a pas perdu son originalité qui, autant que son cadre de vie exceptionnel, fait son charme. Le Racou a su garder des dimensions modestes et il est aussi agréable de bronzer sur la plage au sable grossier que de s’attabler aux terrasses des cafés et des restaurants.

En dépit de certaines rumeurs, les maisons et terrasses en front de mer n’ont jamais empiété sur le Domaine Public Maritime (DPM) (jugements du TA de Montpellier et de la CAA de Marseille). En 1999, l’expertise du tribunal administratif plaçait la limite du DPM sur la plage « 12 à 20 mètres » devant les habitations. Tout le vieux village, en y incluant la première ligne de maisons, s’est créé dans une parfaite  légalité.

Si les projets immobiliers ont été bloqués au Racou, ce ne fut pas le cas six cents mètres au nord où l’on vit surgir Port-Argelès… Mais ceci est une autre histoire ! 

1 Ces années 50 à 60 sont bien décrites par Andreu Capeille dans la revue Massana : Annales n°25 : « Le Racou de l’après-guerre à 1960 »