Le Racou menacé

Les causes de l’érosion de la plage du Racou

1- Rôle des digues de Port-Argelès

  • Un seul évènement est intervenu sur le littoral argelésien durant le dernier siècle dernier permettant  d’expliquer un recul du trait de côte  exclusivement localisé au Racou : La construction des digues de Port-Argelès.
    •    1964 : Construction d’un épi expérimental,                                                                                                
    •    suivi en 1974-1976 des digues portuaires (construites sans étude d’impact)
    •    puis de la ZAC de Port-Argelès (déclarée illégale par le Conseil d’Etat en 1993 pour atteinte à la loi littoral
    •    Réparation avec élargissement et allongement de la digue sud en 1994 et de la digue nord en 1998.
    •    Nouvelle réfection de la digue nord prévue en 2018
  • L’obstacle réalisé par les digues portuaires a entraîné un arrêt du transit littoral de sable provenant du Nord   et son détournement vers les grands fonds, provoquant ainsi depuis 1964 une érosion de la plage du Racou  située de l’autre côté du port. Plusieurs facteurs entrent en jeu  pour expliquer l’impact des digues portuaires :
    • L’arrêt du transit littoral de sable Nord-Sud intercepté par les digues ou dévié au large.
    • La réflexion de la houle sur les digues  accentuant l’action érosive des vagues  et les courants de retour
    • La déviation de la Massane (« source originelle d’alimentation en sable ») qui apportait des sédiments grossiers et stabilisait la plage au niveau de son embouchure
    • La destruction de l’herbier de posidonies
    • L’arrêt du processus naturel d’engraissement  apparu après la crue de 1940 (aïgat) qui se retrouve au niveau des plages argelésiennes.
  • Alors que l’augmentation du niveau marin suite au réchauffement climatique est de plus en plus invoqué par les pouvoirs publics pour s’exonérer de leur responsabilité, on ne peut que constater que ce phénomène est, pour le siècle passé, sans rapport avec l’érosion du littoral au Racou. En effet, cette plage est la seule zone à avoir reculée (perte de 50 à 60 m de largeur et de 2 m en hauteur) alors que le littoral argelésien est resté étonnamment stable et s’est même engraissé durant cette période (élargissement des plages de 20 à 65 m). Seuls les 50 mètres situés au contact immédiat de la digue nord du port, entre le petit épi de l’émissaire et la digue présentent un léger creusement consécutif à la réflexion de la houle sur l’ouvrage portuaire. Invoquer la montée, encore minime aujourd’hui, du niveau marin est donc un non-sens puisque les autres zones du littoral argelésien se sont élargies.
  • Comme partout où des digues ont été construites le long d’un littoral sableux, les digues portuaires sont accusées d’arrêter le transit littoral de sédiments qui, dans le sens des courants, n’ensable plus la plage voisine.  Aujourd’hui, la plage du Racou qui a perdu un stock sédimentaire considérable ne joue plus son rôle protecteur en cas de tempêtes.

2- Autres facteurs d’érosion

Les autres facteurs d’érosion sont, soit spécifiques au Racou comme la disparition de l’herbier de posidonies de la baie du Racou secondaire à la pollution portuaire, soit retrouvé partout ailleurs en méditerranée. Il s’agit de l’augmentation du niveau marin (1 à 2 mm/an) qui jusqu’ici a été minime, de la pénurie sédimentaire due à la réduction des apports d’alluvions par les rivières (barrages, extraction pour le bâtiment) et enfin des interventions humaines contribuant à la fragilisation des plages et des dunes bordières..

3- Expertises et Jugements

La responsabilité des digues a été confirmée dans 8 rapports : Nous en citerons 4 : 

  • Expertise du Tribunal Administratif de Montpellier (8 janvier 2002) : Conclusion : « La construction du port a eu un effet déclenchant sur l’érosion de la plage du Racou « 
  • Rapport du service de l’Etat « CETE  Méditerranée » (Centre d’Etude Technique de l’Equipement d’Aix en Provence) de mars 2002 : « Alors que l’accrétion domine globalement (au niveau de la plage d’Argelès), l’érosion très localisée affecte la plage du Racou en raison de l’obstacle constitué par les jetées de Port-Argelès »
  •  Extrait de « Diagnostic environnemental » DIREN (Direction Régionale de l’Environnement) – « Mission littoral » – Mai 2002 : » Les ports de plaisance se sont fortement développés sur les 180 km de côte, notamment grâce à l’impulsion de la Mission Racine. Les ouvrages portuaires, le calibrage et l’entretien par dragage des débouchés en mer, perturbent parfois gravement les transits de matériaux le long des côtes et amplifient ainsi le phénomène d’érosion. Ils modifient les lignes de rivage, et entraîne une érosion à l’aval des ouvrages. Les exemples relatifs à ces perturbations sédimentaires ne manquent pas et concernent tous les ports de la Côte : Port Barcarès, Port Leucate, Sainte Marie, Canet, Port Saint Cyprien (recul de 80 mètres), Port Argelès (recul de la plage du Racou de 40 à 50 mètres). »
  • Schéma d’orientation pour la protection du littoral et la gestion des plages du Languedoc-Roussillon (CEPREL-1995)
  • Il faut y ajouter de multiples autres rapports d’experts mettant en cause les digues avec, en particulier :
    •    Rapports SOGREAH 1987, 1998 et 2003.
    •    Rapports des professeurs R. Bonnefille (Professeur de génie maritime à l’Ecole Nationale des Ponts et Chaussée et à l’ENSTA) et  JP. Barusseau (professeur de sédimentologie à l’Université de Perpignan).
  • Jugements du TA de Montpellier (décembre 2006) et de la CAA de Marseille (2007)
    • En 2006, le Tribunal Administratif de Montpellier a, certes, reconnu l’érosion anormale du Racou et le rôle du port dans l’aggravation de l’érosion de la plage mais a rejeté la plainte de l’association sur le fait qu’elle n’avait pas formellement démontré l’absence d’érosion avant la construction du port.
    • Alors que le dernier rapport SOGREAH-SMNLR de 2003, ceux du Pr. R. Bonnefille et l’expertise sur la délimitation du DPM permettaient de contredire les conclusions du TA de Montpellier, une stupide erreur de procédure a abouti au rejet par la CAA de Marseille de la requête de l’association.
  •  Par ailleurs, indépendamment de la responsabilité éventuelle des digues portuaires, le Conseil d’Etat a  confirmé une très ancienne jurisprudence précisant que l’État n’est pas tenu d’engager des travaux « dans une zone à risques naturels où des individus ont décidé de se maintenir. L’État n’a pas l’obligation de protéger les propriétés privées en bord de mer. »